La confirmation d’une Europe défensive face à une concurrence addictive
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La confirmation d’une Europe défensive face à une concurrence addictive
MODULE 4
Tout au long de notre année de travail collaboratif nous avons pu débattre et échanger à partir de tout le matériel récupéré lors des conférences, rencontres, visites et tables rondes auxquelles nous avons pu participer. Ce qui nous a permis d’identifier au travers d’une analyse fine des contenus de l’ensemble des restitutions les faits et arguments saillants en lien avec notre controverse. Une façon de lui donner suffisamment de relief et de mettre en valeur les acteurs clés rencontrés. Pour comprendre la genèse d’une controverse, il est toujours intéressant de revenir à l’origine de notre aventure profondément liée à la typologie de notre groupe multiculturel en termes d’idées, de vécu, de sensibilité et de vision des choses autour d’une thème commun « L’impact du numérique » dans l’évolution du monde économique et du travail et ce au travers d’un programme concocté par l’INTEFP. En ce qui nous concerne, nous nous concentrerons sur les données, arguments et divers questionnements directement liés à la mutation des modèles économiques et laisserons le soin aux autres groupes de récupérer les informations liés à leur propre controverse. Nous vous proposons de reprendre les différentes étapes de notre aventure commune, module par module car nous pensons y déceler une forme de chronologie induite par la teneur et le contenu de ceux-ci … de la découverte du phénomène à la prise de conscience collective.
Lors de ce voyage outre-manche, à Londres et à Dublin, ponctué par la visite du siège européen de Facebook en Irlande, il a été notamment question de l'Europe, de l'impact du numérique sur le travail et les relations sociales.
Il est clair que nous sommes dans un pays libéral, où l’économie occupe une place centrale y compris dans les représentations collectives. Avec en parallèle, et cela peut parfois paraître paradoxal, une réelle conscience d'un état de faiblesse, voire une forme d'acceptation, de résignation face à des problèmes clairement diagnostiqués.
• Souvent, nos interlocuteurs traduisent (chacun à leur manière) une réelle conscience d'un problème majeur sur les compétences et la faible productivité au Royaume-Uni. Concernant les compétences, la principale solution évoquée est clairement l’immigration, avec en conséquence un enjeu majeur en matière d’attractivité du pays en général et du système éducatif / de l’enseignement en particulier.
• Or la précarité que l’on ressent largement semble aussi toucher le système éducatif, notamment dans l’éducation supérieure. Donc à moyen-long terme, le Brexit posera vraisemblablement un double problème, avec d’une part l’attractivité potentiellement réduite du pays et d’autre part la perspective d’une hausse majeure des frais de scolarité pour les étudiants européens (qui bénéficient pour l'instant encore de tarifs équivalents à ceux pratiqués pour les nationaux).
• Par ailleurs, le numérique semble surtout traité sous l’angle de l’investissement et de la technologie mais moins sous l’angle de l’emploi. La question de l'innovation et des technologies n'est pas forcément traitée de façon très convaincante. En illustration, le modèle économique et même le positionnement de Digital Catapult ne nous est pas apparu évident. Nous notons aussi une interrogation forte sur la place laissée aux PME dans le développement du numérique qui ne constitue apparemment pas une priorité pour le moment (Digital Catapult travaille principalement avec des grands groupes).
• S’agissant du Brexit, on en parle certes, mais du bout des lèvres. Nos interlocuteurs étaient probablement en majorité favorables au maintien du Royaume Uni dans l'UE. Digital Catapult reconnaît d'ailleurs que dans son modèle économique, l'UE représente une part importante avec près de 2,5 M€ de financements annuels pour des projets de recherche et innovation, sans solution alternative pour le moment, si cette source de financement venait à se tarir.
• Sur le marché de l'emploi, on observe de plus en plus de situations ambivalentes. A noter que le statut de worker ou d’employee ne résulte pas vraiment d’un choix de départ mais d’une analyse des situations réelles de chacun a posteriori, avec une place centrale accordée à la jurisprudence.
• Nous ne sentons pas de réelle interrogation de nos interlocuteurs quant au contenu qualitatif des emplois et à l’évolution de ce contenu sous l’influence du numérique. Les débats semblent surtout porter sur l’accès quantitatif à l'emploi. D'ailleurs on nous rappelle clairement à plusieurs reprises les différences de configuration entre le Royaume-Uni d’une part (productivité faible et chômage faible) et la France (productivité élevée et chômage élevé) d’autre part.
• On peut s'interroger au final sur le rôle réel des corps intermédiaires. Pourquoi luttent- ils? Le corps patronal est-il véritablement puissant ? Ce dernier souligne la sacro-sainte importance de la flexibilité, présentée comme un acquis à défendre, tout en reconnaissant que cette même flexibilité entretient aussi des emplois peu qualifiés et que donc elle ne contribue pas à résoudre la question du besoin en compétences qui manquent localement dans de nombreux territoires.
• Enfin, sur le sujet des inégalités hommes-femmes, là encore on note un partage d'éléments de diagnostic quasiment universels. Mais quelles traductions concrètes ?
• Au bout du compte une présentation d’un système apparemment assez simple, binaire, mais ne reflétant pas la réalité plus complexe des situations de travail et des relations sociales, avec au final un couple précarité et efficacité pour la sphère économique.
LUNDI : L'IMPACT DU NUMÉRIQUE SUR LES EMPLOIS, LES NIVEAUX DE SALAIRES...
• La relation productivité, niveau de compétence et taux de chômage avec une comparaison UK/ France
• La question du statut, des statuts : employees/ workers/ independants ; avec un essai de trouver une voie de passage étant entendu que le juridique et le contentieux est encore présent... ce qui ne résout pas la question de toute l’activité y compris l’informelle ou domestique
• Intervenants assez critiques sur les niveaux de salaires
• Fracture territoriale
• Besoin de compétences via l’immigration. Est-ce une Immigration choisie ? Conséquences du BREXIT à venir
• Imaginer les moyens du système agile
• Les emplois qui vont être impactés par le numérique sont clairement identifiés mais c’est plus flou pour ceux qui vont être créés du fait du numérique. ils n’ont pas d’inquiétudes sur le volume d’emplois mais se pose la question de la qualité de l’emploi.
• Quid de la définition des seuils de rémunération annexes des particuliers via leurs activités au travers des plateformes ?
• Quid de la valorisation du "digital labor" ? pour quelle redistribution de la valeur produite ?
MARDI : LE TAUX DE CHÔMAGE CACHERAIT-IL DES RÉALITÉS D'EMPLOIS PRÉCAIRES ?
• Lutte contre la précarité mais une sorte d’acceptation de la situation
• Une frilosité à parler du Brexit. Ils sont contre et ne savent pas où ils vont
• Gouvernement Thérésa MAY semble lâcher du lest
• Impression renforcée du problème de l’éducation
• Quand ils parlent d’emplois, ce ne sont pas ceux du numérique et quand ils parlent numérique, ils parlent investissement et gains financiers
• Fragilité du pays : problèmes d’inégalités et de territoires
• Résignation face à la situation
• Questionnements autour de l’immigration qui est porteuse de compétences entrantes
• Les grandes écoles bénéficient de fonds européens (inquiétude de l’après Brexit)
• Les britanniques valorisent tout ce qu’ils font ! ils sont en difficulté et aucun d’entre nous n’en avait conscience. Ils nous vendent du vent ?
• Le/les statuts des travailleurs. Augmentation des « workers » avec une situation ambivalente et développement de la précarité
• Ils sont loin de regarder le contenu du travail. Leur regard se focalise sur le taux de chômage et la qualité du statut est revendiquée. Mais sur la qualité de vie au travail : rien
• La politique libérale, personne ne la conteste et cela n’impulse pas l’émergence des corps intermédiaires. Ils sont peu actifs
• Contrat zéro heures. Travail gris ? Travail au noir ?
• Méconnaissance de l’existence des contrats zéro heure avant leur explosion en nombre à partir de la crise de 2008
• Ce qui semble important pour eux, ce n’est pas la réalité de leur situation mais seulement le taux de chômage. Quelle réalité cela reflète ?
• Catapult : rien de nouveau sur accélérateur de startup ! pas de propositions concrètes. Les PME ne les intéressent pas. Mais ils savent se vendre auprès de l’UE : 2.5 millions d’€ de CA. Les locaux, de l’affichage ? l’emballage est beau mais après ? Beaucoup d’entreprises accompagnées mais ne donne aucun exemple, ce qui fait douter de la réalité du discours et des actes
MERCREDI : LA SMART CITY
• Sur le sujet Smart City, on note un bel effort de mise en perspective historique et géographique, mais au final une présentation très centrée sur le diagnostic et le cadre conceptuel, manquant d’aspects opérationnel et d'actions concrètes.
• D’autre part, on peut s’interroger sur l’estimation des risques potentiels, qui ne semble pas pleinement satisfaisante. En réalité, au-delà du discours utopique et technique sur le projet de territoire, dont la présentation est très complète, quel portage politique réel et les effets collatéraux même pas envisagés (ville résiliente, risques naturels, articulation avec les territoires autour...). Et les transports, il est question de vélo mais aucune infrastructure en ce sens ne semble prévue. Quelle prise en compte des conséquences potentielles en matière de fracture territoriale ?
• Les questions : intérêt géopolitique du réseau de ville ? légitimité de la concurrence territoriale avec Londres ?
• Première conclusion : Belle idée creuse inapplicable en l’état
Après-midi : la démarche ?
• Peu de choses nouvelles
• Sur l’égalité professionnelle, diagnostic connu, pas de traductions concrètes
• Interventions décevantes alors que NESTA était connu comme portant une bonne dynamique
• UK/Inde : que de différences !
• En Inde, la globalisation est vue comme une opportunité, en Europe comme une crainte.
JEUDI : LA FRAGILITÉ DU DIALOGUE SOCIAL
• l’impact des multinationales sur l’économie irlandaise (80% de la collecte de l’impôt sur les sociétés)
• la place du tertiaire prépondérante (75%)
• pas d’actions identifiées pour dynamiser le secteur industriel traditionnel en anticipation d’un éventuel retournement des postures des multinationales alors que la période économique semble être favorable.
• impact du Brexit : besoin d’une collaboration avec la France pour des relations en Europe
• partenariats entre la France et l’Irlande sur la recherche et l’universitaire : exemple de coopérations entreprises/thèse et doctorants
• manque de dynamisme de forces et d’impact des partenaires sociaux. Fatalisme face aux évolutions à venir. Plutôt réseau de relation et quelques consultations que de véritable dialogue social
• l’éducation et la formation sont plus portées et mises en œuvre qu’au UK
• trop de présentations d’études tuent les présentations d’études. Un choix au regard de notre sujet aurait été plus judicieux. (exemple : les 9 formes d’emplois).
• vision européenne globalisante, quelques focus par pays sur des éléments originaux ou de dynamique particulière auraient été appréciés
VENDREDI : QUELLE VOIE ENTRE UBER ET MCKENZIE ?
• Dogpatch labs : beaux locaux, bel emballage mais quoi de neuf ? manque une illustration par un vrai parcours d’une startup depuis l’idée originale en passant par les réussites et les embuches rencontrées, le travail réellement fourni au-delà de la partie de ping-pong ou le tournoi de babyfoot !
• Ecosystème autour de 3 grands secteurs d’activité : TIC, Banque et pharmacie
• Diaspora importante (estimée à 6 fois la population réelle de l’Irlande)
• Dans les TIC, diminution et délocalisation assumées des emplois supports au bénéfice des emplois créatifs.
• Le patron a son bureau en proximité des collaborateurs, travaille en jean mais maintien de la hiérarchie. (non mais ! c’est qui le patron !!!)
• Si c’est l’anarchie, c’est UBER ; si c’est Mackenzie, c’est trop de contrôle et les jeunes ne veulent pas y travailler. Donc la voie de passage est entre anarchie et Mackenzie ?
• La norme est identifiée comme seul vecteur potentiel de régulation et de maitrise des évolutions
• Pas d’organisations syndicales de salariés dans les entreprises du numérique
• Difficultés de l’état face à la vitesse du changement due aux technologies numériques
• Incidences des GAFA sur les salaires, les conditions d’emploi et la concurrence dans les recrutements, plus aucun accord collectif, c’est le marché qui détermine les salaires et les conditions de travail
• Chute du nombre de salariés syndiqués
• Pas de workers en Irlande !
Après-midi Facebook :
• Facebook : le paternalisme patronal à la mode 2017 ! je t’offre des T-shirts, je te nourris 3 fois par jour, le te lave tes vêtements, je t’offre des gourmandises... donc je suis un bon patron. Quid de l’émancipation des individus et de leur possibilité de choix ?
• L’appréciation du travail rendu via les valeurs ? Ship love !
Ce 4éme module vient renforcer notre questionnement autour de l’Europe et la place qu’elle veut réellement prendre dans le concert du numérique : accompagnateur ou protagoniste d’une partition mondiale avec une place bien identifiée ?
Aujourd’hui se pose la question de savoir si le pluralisme européen à 28 et cette tendance au protectionnisme sont des freins à la construction d’une Europe digitale ou un marchepied vers une Europe redevenue maitre de son destin « économique »...
C’est également l’occasion de renforcer notre questionnement autour de la donnée et sur l’impact des GAFA et autres acteurs du numérique sur des pays européens. En termes de modèle économique de ces acteurs, l’Irlande ou ce type de « Paradis fiscal » vu ou non en ces termes, conforte cette dimension de prédation à travers leur investissement dans les écosystèmes d’innovations sans visiblement trop d’efforts financiers.
Le capital humain semble mis à rude épreuve dans des pays où la jeunesse a du mal à se projeter dans les métiers de la nouvelle économie au-delà de ceux des services nécessitant de bas taux de qualification.... Enfin, il semble exister une forme d’économie numérique associée à la notion de smart city.
UNE PRISE DE CONSCIENCE SUR L'EUROPE
BERCEAU DE L'INNOVATION DISRUPTIVE, BANGALORE PROPOSE 3 ECOSYSTÈMES, 140 INCUBATEURS ET ACCÉLRATEURS, 4750 START-UPS EMPLOYANT PLUS DE 100.000 TALENTS AVEC UN OBJECTIF DE 20.000 START-UPS EN 2020
RESSOURCES
SYNTHÈSE
• Programme du module 4
• Prise de notes
• Restitution du module
INTERVENTIONS
• «Eurofound overview», Erika Mezger
• «Digitalization, automation and job polarization in Europe», Enrique Fernández-Macías
• «New forms of employment», Barbara Gerstenberger
• «Digitalisation in Public Services - Multiannual perspective», Eurofound
• «Partenariats entre les entreprises françaises et les laboratoires universitaires irlandais», Stéphane Aymard.
• «Les défis pour l'Irlande», Irish Congress of trade unions
• «L'économie irlandaise : situation et perspectives», Pierre Mongrué
• «L’Irlande et le développement de l’économie numerique», Peter O'Connor
• « Impact of Digital Science & Innovation on Training and Employment», Jean Arlat et Stéphanie Dos Santos
• «The impact of autonomous vehicles on economy and labour market», Florian Ranft
• «The Outlook for Women in Tech in the UK», Doniya Soni
• «Nesta & Readie», Olivia Chapman
• «La grande enquête nationale sur le travail», CFDT
• «A Territorial Strategy for Smart City Construction», Allan Mayo
• «Good Work: The Taylor Review of Modern Working Practices», Matthew Taylor
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